Quand ça part en fumée

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La météo potable du 24 décembre annonçait une journée amicale.

La fin d’année avait été mouvementée et la dernière galère ne datait que de la veille : une base de données effacée. Mais bon, elle sera probablement reconstituée. Je prends mon temps, prépare mon itinéraire pour sourcer les derniers ingrédients d’un dîner de fête, je bavarde avec mes copines au loin, et vais me faire masser, pour assouplir l’arc tendu que je suis devenue.  La nuit tombe et Paris a rendu ses passants à leurs appartements.

Le ciel est un peu rose, plus de circulation ni de néons. Les boutiques ont fermé tôt et les vacanciers sont loin. Je souris en garant mon engin au coin de chez moi, rétroplannant tous les gestes du dîner. J’envisage même le choix d’une tenue. Je me réjouis, vraiment, je me réjouis, de retrouver mes enfants.

Mais soudain, de notre immeuble, surgit mon mari, enveloppé d’une épaisse fumée.

Il est au téléphone, précis mais insistant. Par la porte vitrée, se déversent des geysers gris foncés dont le débit ne fait qu’accélérer. Puis, tout s’affole. Camion rouge, échelle, évacuation, périmètre de sécurité, voisins en chemisettes égarés, passants agglutinés. En 5 minutes chrono, tout vient de changer. Un habitant de la rue nous propose immédiatement de crasher son réveillon.

Une Henriette, descendue de l’immeuble du coin, insiste : « venez chez nous, je pars au temple, mais mon conjoint vous ouvrira. » Puis tourne les talons sans autre information. Le caviste tout proche a déjà recueilli les voisins rafraîchis, dont la jeune Marie et son ballon rose, comme seul trésor sauvé. C’est sa tournée.

Le danger est vite circonscrit, mais comme souvent en cas d’incendie, le pire vient toujours après. Le vitrail de l’ascenseur a été fracassé pour évacuer la fumée, il est donc condamné. Les compteurs électriques débranchés par sécurité, garantissant froid et obscurité. Des policiers armés sont postés, nous interdisant de rentrer.

Puis reviennent les résidents du rez-de-chaussée cramé, de leur Noël avorté.

Le pompier a prévenu les policiers : habitants à reloger. Trop d’émanations, tout est mouillée et leurs affaires carbonisées sont déjà sur le trottoir. Désolation, consolation, et surtout besoin d’action. Je fonce chercher des sacs pour qu’ils sauvent ce qui peut l’être. Ils trient et nous pouvons rentrer.

Le Capitaine Julien insiste pour me raccompagner. Procédure ! Consciencieusement, il vérifie tout, ouvre grand ses mirettes averties et lance : j’adore la déco, si ça brûle chez vous, je pars avec les sculptures. Compliment de sapeur. Je sors mes bouteilles prévues pour la soirée, et les lui offre, pour la caserne. Il m’embrasse et ajoute : passez donc un samedi quand vous voulez, je vous ferai monter à ma grande échelle…

Et là Noël a commencé.

Disons plutôt, a continué, puisqu’entre deux bouchées, nous lavions, étendions, séchions et replions des kilomètres de saris et de vêtements souillés. Les enfants avaient invité une collègue esseulée, les sinistrés passaient pour être nourris, réchauffés, réconfortés et s’organiser. Puis ils sont repartis.

J’ai eu, après, envie d’aller me coucher, mais à minuit bien passé, la porte a re-sonné.  Tiens tiens, qui va là ? Et bien le voisin du 3è flanqué de ses fils qui dans un élan Prescovickien passait nous souhaiter la Noël, un dessert marron à la main. A l’aise et motivé.

Bon, j’avoue m’être demandée où était la caméra cachée.

Car de tout ce qui était planifié, rien ne s’est normalement déroulé. Et de cet enchaînement, je n’aurai rien pu inventer. J’ai fini par m’endormir, toujours dans ma tenue du matin, la maison transformée en laverie/abri.

Le lendemain, je me suis réveillée la tête farcie. Car à chaque étape de cette folle soirée, il y a eu 200 miracles et raisons de trinquer, dont la principale est de se savoir appartenir à une communauté de quartier franchement extra. Parce que même si les Parisiens font la gueule en temps normal, ils restent formidables face au danger. Et le soir où tout part en sucette, et bien je vous recommande d’en avoir quelques-uns sous la main. Car franchement, ils savent aussi faire du bien.

En tous les cas, je sais où vit le Père Noël ! Et je sais même qu’il s’appelle Julien.

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4 commentaires sur “Quand ça part en fumée”

  • MarieBS dit :

    Quelle belle écriture, MERCI Florence pour ce partage devenu merveilleux sous votre plume. Continuez, on a besoin de vous !

  • Marianne Caillaudeau dit :

    Florence,
    J’avoue avoir bien ri face à vos aventures !!!
    Effectivement quel Noël !! moi je me souviens d’un feu de cheminée à cause d’un trop plein de papiers cadeaux brûlés… Les pompiers avaient du aussi intervenir mais nous nous étions en pleine campagne !!!
    En tous cas je vous souhaite une belle année pleine de succès en tous genres vraiment !
    Marianne

  • Sylvie Raspail dit :

    quelle aventure ! effectivement, il y a des gens chouettes dans ce genre de situation… mais quel Noël ! bonne année à vous tous !

  • Happy Amina dit :

    Wahou, quelle aventure !
    Je vous souhaite une année 2019 aussi pétillante que la précédente, ainsi qu’à votre famille et à vos joyeux collaborateurs 🙂

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