Mes émotions, un carburant

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« Je ne peux pas mettre de l’énergie dans quelque chose qui est strictement rationnel. Il faut que j’en éprouve le besoin, l’excitation, l’utilité, de l’intérêt, de la curiosité, il faut que ça parte de mon centre. »
Interviewée par Fullémo :

Comment définissez-vous votre métier ?

Florence Servan-Schreiber : J’ai trouvé une affirmation qui résume mon métier en disant que « je suis professeure de bonheur ». Je viens raconter ce que des chercheurs universitaires déterminent dans leurs laboratoires. En mettant des gens comme vous et moi en situation, ces chercheurs identifient quels sont les comportements, les aspects de nos personnalités ou de nos organisations qui marchent et qui nous permettent de nous épanouir. Cet univers de recherche s’appelle la psychologie positive ou encore la science du bonheur. Comme je m’appuie sur les résultats de ces recherches, je passe l’information.

En tant que professeure de bonheur, je trouve des façons de l’appliquer, me les applique à moi-même et raconte ce qui m’arrive sous la forme de livres, de conférences ou encore de programmes que je crée : ateliers d’écriture, « master class de bonheur », etc.. Mon objectif est toujours de venir informer sur le sujet du bonheur.

Il y a un terme que beaucoup n’aiment pas mais qui me convient : la pop psychologieLe sujet est la psychologie mais la forme, je la rends pop et sexy. Je ne sais parler qu’en couleurs et de fait, je simplifie le sujet.

L’apothéose de ce qui me plaît comme mélange a été la pièce de théâtre « La Fabrique à Kifs » parce que ni l’écrire ni la jouer n’étaient mes métiers à la base mais le résultat a été une application absolue de tout ce que je dis et de la façon dont je m’y prends.

 

Quel est le sens que vous donnez à votre Job ?

Florence Servan-Schreiber : J’ai compris ce que je fais dans la vie en lisant Sapiens en BD  (Sapiens : Une brève histoire de l’humanité de Yuval Noah Harari), dans lequel l’auteur explique que ce qui différencie les humains des animaux, est d’avoir conscience de ce qu’ils voient. Les chimpanzés par exemple ne vont pas pouvoir faire confiance à plus d’une douzaine d’individus, présents dans leur champ visuel, ce qui limite la puissance du groupe.

Alors que les humains dépassent ce cadre grâce à la fiction. La possibilité de se raconter des histoires communes va fédérer une population. Ainsi fonctionnent les religions, les lois ou l’éducation. Nous choisissons à quelle histoire nous adhérons et le groupe est scellé.  Parfois pour le pire, mais aussi pour le meilleur.

Mon métier consiste à raconter des histoires à ceux qui souhaitent alléger leur vie. J’offre un récit auquel on peut se raccrocher pour décider de tester des choses qui vont nous aiguiller vers du bonheur.

Mon intention est d’apporter de la légèreté et de créer une communauté autour de la possibilité de la légèreté.

Bien que formée en psychologie, je ne suis pas psychologue, je ne soigne personne. Je viens éduquer et alerter. Cela peut soigner mais ce n’en est ni l’intention, ni la promesse. Je préfère vous inciter décider par vous-même d’enrichir la gamme de vos comportements. La partie que je préfère est l’initiation. Ce qui me donne envie de continuer, est d’entendre quelqu’un dire : « Je ne savais pas que ça existait ».

Je suis un être très excitable et tout part de « est-ce que tu sais que… ? » sur des sujets très variés : un bon restaurant mais aussi une autre manière d’être heureux. Je m’émerveille assez facilement et suis curieuse. J’ai un tempérament de sentinelle que je mets au service des autres selon le principe qui est que si ça m’est utile, il se peut que ce vous soit utile aussi.

 

 Quels impacts ont vos émotions sur votre travail ?

Florence Servan-Schreiber : Mon premier filtre est émotionnel : il dicte l’effet que va me faire une information. Je ne me considère pas comme une intello, car ma réaction par l’émotion crée ma hiérarchie d’intérêt. L’excitation, est d’abord une réaction émotionnelle à quelque chose.

Je ne sais pas très bien distinguer l’excitation intellectuelle de l’excitation émotionnelle. Il y a tout de même une information qui rentre d’abord par le cerveau. Je suis avant tout une femme de tête.

Par exemple, quand j’ai découvert que si l’on éprouve de la gratitude on peut vivre plus longtemps*, j’ai ressenti une très grande excitation : « Wouah, ça mérite d’être essayé, c’est si simple » !

Dès lors que cela me donne envie de me lever le matin je constate que l’information résonne sur le plan émotionnel.

La limite à l’importance de ce filtre est que si je ne suis pas excitée, je suis désorientée. Par exemple, mon éditeur m’a contactée pour écrire un livre sur la respiration. D’un point de vue purement intellectuel, je pourrais dire oui. Mais cela ne résonne pas et l’idée d’effectuer un travail journalistique sur un sujet pour lequel je ne ressens rien ne me permet pas d’y consacrer tant d’effort. J’ai donc décliné : le sujet est intéressant mais je ne peux pas mettre de l’énergie dans quelque chose qui est strictement rationnel. Il faut que j’en éprouve le besoin, l’excitation, l’utilité, de l’intérêt, de la curiosité, il faut que ça parte de mon centre.

Tout ce que je fais avec entrain et avec passion me permet de régler quelques comptes avec moi-même. Pourquoi la gratitude me plaît autant ? Parce que je suis en fait quelqu’un d’assez critique. Quand je découvre qu’il y a des gens qui font le contraire que ce que je fais, à savoir, me plaindre de tout, je suis intriguée et j’essaie !

Si j’ai une telle réaction face à des informations, c’est que cela m’apporte quelque chose. Je suis persuadée que ce qui nous donne vraiment de l’élan c’est ce qui comble nos trous, trou du moment ou trou plus ancien. La motivation s’appuie sur de potentiels bénéfices secondaires.

Commentaires de Mathilde Héliès : De cette découverte, Florence a fait une conférence TEDx en 2012 

 

Racontez-moi une expérience dans laquelle vous vous êtes sentie dépassée par vos émotions (ou vous avez craint d’être dépassée) ?

Florence Servan-Schreiber : Un moment où j’étais complètement dépassée et où j’ai triomphé de mes émotions a été autour de la pièce de théâtre « La Fabrique à Kifs ».

 

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Devenez animateur.trice d’ateliers de psychologie positive
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