La beauté peut nous sauver

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Nouvelle rockstar de la psychologie positive en vue. Voici mon échange avec Maria Sirois.

Maria Sirois est Docteure en psychologie clinique et positive. Elle consacre sa pratique et ses recherches à la compréhension des mécanismes de la résilience. Elle travaille au chevet de familles de malades et de victimes de cancers pédiatriques. Elle est aussi professeure et conférencière auprès du monde de l’entreprise.

 

Pourquoi avoir choisi le sujet de la résilience pour vos recherches ?

Fréquenter des familles endeuillées ou menacées de perdre un·e proche m’a permis de mesurer à quel point traverser des situations extrêmes nous rend plus généreux et crée une attention exacerbée envers ce qui compte ou non dans nos vies. J’ai souhaité comprendre comment nous en inspirer pour passer des caps toujours difficiles. J’ai un jour entendu parler d’un professeur de Psychologie positive : Tal Ben Shahar. J’ai rassemblé mon courage pour lui écrire, nous nous sommes rencontrés. J’ai alors mesuré combien l’appréciation, les forces de caractères et le sens, étudiés par la psychologie positive étaient au cœur des comportements des familles que j’accompagne. Depuis, je regarde tout cela de manière plus globale : quelle croissance peut émerger de la dévastation ?

Vous vous plongez actuellement dans l’étude de la reconnaissance de la beauté. En quoi est-elle si importante ?

Lors de la crise du Covid j’ai traversé des montagnes Russes. Mon travail s’est effondré puis emballé, une fois que les DRH se sont intéressés aux mécanismes de la résilience. Nos quatre enfants adultes sont revenus vivre à la maison, créant des situations inédites et stressantes. J’ai senti que je perdais pieds, en route pour un burn out. La reconnaissance de la beauté est l’une de mes forces de caractère. Je me suis imposée de l’actionner une fois par jour pendant un mois et ce régime m’a permis de retrouver ma vitalité. Je débusquais la beauté morale, la beauté intérieure et la beauté physique et naturelle. L’élan que j’y ai trouvé est tel que je l’ai pratiquée pendant une année entière.

Les recherches confirment qu’activer volontairement la reconnaissance de la beauté promeut la gentillesse, la transcendance, le désir de protéger ce qui est beau ou fragile, ET d’agir pour la planète. Beauté, excellence et bonté encouragent l’action. J’écris à présent un livre sur ce sujet.

Je suis convaincue de l’importance d’être présent et de chercher de la beauté sans attendre qu’elle ne nous surprenne, comme adoucisseur contre les ravages de la mort, des guerres et de la maladie.

 

Peut-on établir un lien entre la reconnaissance de la beauté et l’écologie ?

Oui, les recherches aux États Unis et en Asie pointent dans ce sens. Je décortique actuellement les données recueillies au Canada sur le pouvoir de la nature pour inspirer des comportements pro-écologiques. Les bains de forêts pratiqués en Asie sont aussi des pratiques que je scrute.

 

Comment peut-on animer l’espoir dans des moments de drames collectifs et personnels ?

Ma pratique m’a montré combien il est bénéfique, lorsqu’on perd un proche, d’intégrer son état d’esprit ou ses particularités à ses propres actions. J’ai par exemple perdu un petit frère, emporté par un cancer à l’âge de 48 ans. Il était extraverti et toujours partant. Bien plus que je ne le suis. Je me suis donc mise à accepter plus de propositions et prendre plus de risques. J’honore ainsi sa présence et je souffre moins de son absence. L’avenir pulvérisé retrouve du sens.

Sur le plan collectif, il est de notre devoir de prendre soin de notre âme pour ne pas sombrer dans la culpabilité des témoins des horreurs du monde. De trouver le bon mélange entre l’empathie et le soin de soi pour être au rendez-vous si et quand on fera appel à nous pour aider concrètement. Se laisser sombrer par mimétisme alors que nos univers ne sont pas directement affectés ne nous permettrait pas de nous tenir prêts.

 

Que nous conseille la psychologie positive en cas d’immense péril ?

Lorsque Tal Ben Shahar vivait à Tel Aviv et a été contraint de se réfugier dans des abris anti attaque aérienne, il en est sorti en nous rappelant de ne pas édulcorer la réalité. Ressentir ce que l’on ressent, sans déni et sans prétendre que les choses vont bien. Faire face à la brutalité est un pas vers la résilience.

Le second point est que la force morale et physique se nourrit toujours de connexions. Faire signe à nos connaissances et amis meurtris ou en danger est une nécessité. Ils ont besoin de savoir qu’ils ne sont pas oubliés et restent reliés.

Et enfin, ne pas chercher à être absolument positif ou prôner l’espoir à tout prix. La question reste : qu’est ce qui fonctionne pour moi aujourd’hui ? Un jour cela peut être de hurler sa douleur, le lendemain de méditer et le surlendemain de cuisiner.

Investissons dans notre âme : se tourner vers ce qui peut nous apporter de la vie.

Face à l’horreur, si chacune et chacun de nous peut faire ce qui est en son pouvoir à un instant précis pour allumer une lueur d’espoir chez quelqu’un d’autre, alors notre mission est de ne pas nous laisser submerger pour être en capacité d’apporter cela. Documentons-nous, éduquons-nous et n’oublions pas que seule la gratitude permet de réagir utilement face à l’injustice.

 

Publié le 20 octobre 2023

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Devenez animateur.trice d’ateliers de psychologie positive
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1 commentaires sur “La beauté peut nous sauver”

  • Chris dit :

    Merci pour cet article qui nous rappelle l’immense pouvoir de la gratitude. Regardons et accueillons la beauté qui est présente dans nos vies, ressentons ce à quoi elle fait écho dans notre âme et dans notre corps et remercions. Que celle ou celui qui n’a pas décoché une esquisse de sourire en s’émerveillant referme ses yeux et recommence… Merci Florence.

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