Le ciment du quartier

Chronique Kaizen
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On commence par identifier le superflu. Trier ce dont on ne veut plus.

On a peut-être reçu un prospectus, croisé une affichette ou parlé à un voisin, mais ce qui est certain, c’est que notre place est réservée. Une place dans la communauté, exposée aux intempéries, au passage et aux passants.

On s’est préparé la veille et levé bien plus tôt qu’hier. Plusieurs stratégies sont déployées pour tenir le siège. Déjà, en avoir apporté un, ou l’avoir oublié, ce siège. Choisir de venir en éclaireur et attendre les renforts. Ou préférer le débarquement de masse pour une installation éclair. On a pensé au ravitaille­ment, car quitter sa place risquerait de compro­mettre des occasions. Peut-être s’est-on associé pour la journée pour partager le poids des trans­ports, les rayons du soleil, les espoirs, les charge­ments et déchargements, les rencontres et les com­mentaires, souvent autour d’une glacière. Sur une place délimitée, on va installer, empiler, étaler, dis­poser et, si on est vraiment organisé, même accro­cher ce que l’on a jusqu’ici transporté.

Cent pour cent des participants sont entrepreneurs. Tout le monde tente sa chance. Le travail des enfants est ce jour-là attendrissant et celui des anciens ré­jouissant. Les affaires commencent très tôt, au passage des connaisseurs qui fouillent, débusquent, sélectionnent et négocient avant même que l’on ait vraiment compris que la journée avait commencé. A-t-on pensé à prendre de la monnaie ?


Passé cette précipitation, la pression retombe et on relève le nez. Évaluation du terrain et première rencontre avec ses voisins. Le sable, le calcaire et l’argile se rapprochent. On se fait des visites et des remarques. On conseille et on compare. Les objets des uns réveillent des histoires des autres. On est ici pour se délester, mais il est fréquent que l’on parte soi-même chasser. Un « ma mère avait la même » engage la conversation. Le petit matin se réchauffe, facilitant le mélange des matériaux. Et puis, un peu avant midi, c’est reparti. Être sur tous les fronts : répondre, séduire, décider, papoter, emballer, encaisser ou attendre la juste rencontre autour de goûts partagés.

Quand les allées s’éclaircissent, les bilans sont échangés. Ça va ? Vous avez bien travaillé ? La fu­sion monte encore d’un cran. Dès l’après-midi, l’inté­rêt de la journée a viré et les bribes d’amitié remplacent les ambitions. L’eau a été versée dans la bétonnière pour lier les composantes. On est moins concentré et déjà plus expérimenté, alors on se laisse aller à s’apprivoiser. On reconnaît des promeneurs du quartier, on se salue, un commentaire par-ci, une vraie rencontre par-là. Il est tellement plus facile de se lier lorsque l’on est posé. Ce jour-là, nous ne faisons pas que passer, nous sommes venus nous délester, mais nous allons nous enrichir et mieux que jamais nous cimenter.

C’est la journée du vide-grenier.

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