60 balais

Quand j’ai réalisé que l’inévitable cap des 60 ans marchait droit sur moi, c’est la tête dans le sable que j’ai envisagé de vivre ce passage.

Seulement, voilà ! Après plusieurs décennies, j’ai noué des liens avec des personnes si talentueuses, qu’a fini par jaillir l’idée qui allait tout adoucir. Les réunir pour créer une occasion, une fête, un décor, un menu, des musiques, des activités et des boissons, qui enchanteraient la petite fille en moi, celle qui a toujours 8 ans. Inventer l’anniversaire auquel j’aurais envie de me rendre pour fêter une personne que j’aime bien.

Lorsque l’intention se clarifie, les étoiles tombent du ciel.

• Missmu a refusé des tournages dont elle compose les décors,
  
  

  by Theo Cohn

• Julie a délaissé les astronomes qu’elle conseille,
• Ciche a, derrière mon dos, orchestré une flashmob sur Dancing Queen,
• Bob a sublimé mes contacts,
• Mambo a provisoirement remplacé ses pinceaux par des vinyles,
• Camille a tracté sa machine fumante jusqu’à mon jardin,
• Pao a tiré son tarot,  
• Kessou a étalé ses carreaux,
• Géraldine a peint mes murs de sa lumière,
• Cécile a noué des pivoines au plafond,
• Dom a balisé la nature,
• Mapie m’a confié sa caravane à délices,
• Clément a déposé de la crème chantilly sur des nuages,
• Constance m’a prêté ses Mille tables,
• Théo exposé ses pellicules, etc.

La première suggestion de Missmu ? Accrocher une haie de 60 balais pour signifier aux invité·e·s que c’est le bon endroit. LE BON ENDROIT ! Le résultat de toutes ces énergies a produit exactement cela et m’ont mises, des étoiles dans les yeux.

Mais au-delà de la caresse des sens que nous avons orchestrée, le vrai bijou de cet ensemble était l’agrégation de mes ami·e·s, créateurs et invité·e·s. La veille de leur arrivée, j’ai décidé de ne pas passer à côté de l’amour que j’éprouve pour eux. Je me souvenais de la vitesse à laquelle s’était évaporée ma journée de mariage, tant je me préoccupais de logistique. Pas cette fois. 

Alors j’ai écrit.

Qui ou quoi de qui me touchait et pourquoi ?

Cet inventaire de gratitude m’a permis de réaliser qui éclaire mes ombres, m’incite, me calme, me rassure, me provoque, m’offre un miroir, me surprend, m’énerve, me fidélise, prend soin des miens, perce mon coeur, m’enseigne, me sourit, me nourrit, me seconde, me précède, m’épate (ça c’est tout le monde). Cet instant d’évocation a fait bondir mon taux de satisfaction d’entamer cette décennie. Car il a capté le fruit d’une vie, le fruit de ma vie.

Il a fallu ensuite le leur dire. Probablement l’allocution la plus vulnérable qu’il m’ait été donné de prononcer. J’ai reniflé souvent, me suis mouchée tout le temps. J’ai du m’arrêter, reprendre mon souffle et m’éclaircir la voix. Mais la buée que je devais traverser a probablement été l’instant de toutes les magies. J’en suis sortie le cul bordée de nouilles, ou plus exactement la personne la plus chanceuse au monde.

Que diable aurais-je été faire la tête dans le sable ?