Tatoo, toi !

Chronique CLES
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La dernière fois, j’avais 18 ans et une minute. J’avais rêvé une colonne dorique. Verte et légèrement ombrée. Je la voulais gravée sur moi définitivement, sans pouvoir me l’expliquer vraiment. Je crois que le tatoueur s’appelait Eric. Ses aiguilles n’étaient pas très propres ; l’époque, insouciante. Omoplate colorée à l’encre cutanée. J’avais grandi en un après-midi.

Et puis, cette marque-là, j’ai fini par l’oublier. Preuve, s’il en faut, qu’on ignore ce qu’on ne voit pas, y compris sur soi. Porter ses médailles dans le dos nous dispense de les voir s’estomper.

Trente ans plus tard, cette envie étrange de marquer mon corps me reprend. Pour créer une trace intermédiaire. Comme un mur sur lequel on mesure les enfants d’un trait de crayon à côté de leur nom. J’aimerais signifier ce que j’ai compris jusque-là.

La première fois, je ne savais rien, mais aujourd’hui je crois que j’ai tout. Pas encore tout compris, mais tellement reçu, appris, grandi, perdu, goûté, créé et partagé. Je propulse ma caravelle avec plus d’aisance, carburant au désir de nous accomplir. Eprouver profondément me donne la sensation de vivre. Je l’écris souvent ici et ailleurs, je le dis aussi, tant que je peux. Mais j’ai envie de l’avoir dans la peau. Pour ne pas oublier cette fois.

Ne pas oublier quoi ? Que peu s’accomplit seul. Que chacun d’entre nous trouvera sa place en la cherchant bien. Que la construction se fait dans la souplesse des relations et la richesse de l’invention. Qu’au cours de tout, nous nous emboîtons les uns dans les autres pour bâtir ce qui nous élève. Que le grand ne monte pas forcément vers le ciel. Et que la force des réseaux tisse aussi nos joies profondes et connectées.

Sans ouvrir les yeux, je n’aurais rien vu du tout. Sans être réveillée, je n’aurais rien su non plus. L’œil est ma sentinelle, percevoir est mon plaisir et découvrir mon régal. Je me sais maintenant aussi curieuse que scruteuse et je raffole de merveilles.

A quel endroit marquer tout cela ? Toujours au même. Remplacer l’ambition initiale de construction que je comprends mieux maintenant par ma vision ajustée du milieu du gué. Je préfère ne porter qu’un blason à la fois plutôt que de les collectionner. Je ne sais pas si ce sera possible ou même joli de remplacer ma jeunesse par mon Moyen Age, mais je suis tentée de laisser mon dos porter peut-être des mots, des formes ou des signaux qui indiqueraient le chemin parcouru et celui à venir.

Alors ce tatoo-là, à votre avis, ça pourrait être quoi ?

 

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